Accaparement… de l’agriculture

Lachute, jeudi 19 mars 2015. Le dossier d’accaparement des terres agricoles occupe depuis quelque temps l’espace public. Le constat est réel, même si l’achat de terres agricoles par des fonds financiers est encore parcellaire, il est là. Alors, quoi penser? Les opinions divergent sur le sujet. Pour l’UPA, ce serait le mal incarné et pour l’Union paysanne, il s’agit d’un symptôme d’une maladie beaucoup plus profonde du modèle agricole.

Le modèle unanime de Pronovost

Quel modèle agricole voulons-nous? À ce sujet, le consensus s’est fait en 2007 autour de la commission Pronovost: « L’attachement des acteurs de la classe agricole et de la population à la ferme familiale « à dimension humaine ». Les participants aux audiences ont, dans une forte proportion, vivement souhaité que les fermes québécoises continuent d’appartenir à des familles et d’être gérées par elles… » page 26 rapport CAAAQ

Alors la question devrait être réglée? En regard de la volonté populaire, un gouvernement responsable devrait tout mettre en oeuvre pour que les fermes du Québec appartiennent directement aux agriculteurs. Alors pourquoi n’est-ce pas le cas?

Les accaparateurs de terre agricole qui semblent arrivés dans le paysage sont tout  simplement un autre visage des intégrateurs1 agricoles. Ce phénomène existe depuis presque vingt ans au Québec, alors que la moitié du porc et le quart des oeufs et de la volaille produits sont la propriété d’industriels à travers l’intégration verticale. Dans le cas du veau de lait, c’est même à 100%. Alors adieu la ferme familiale.

Hypocrisie agricole

Si vous êtes sous le choc de découvrir seulement aujourd’hui qu’une partie de votre alimentation est produite non pas par un agriculteur, mais par le salarié d’une industrie, c’est en raison d’une hypocrisie assez généralisée des dirigeants agricoles. Les intégrateurs agricoles ont accès aux mêmes subventions, au même remboursement de taxe foncière agricole et aux mêmes programmes de soutien que les agriculteurs, et ce depuis des décennies. Pourquoi? Justement…pourquoi?

L’histoire retiendra que l’UPA, qui détient un monopole sur l’agriculture depuis 40 ans, se gargarise du mot ferme familiale, mais ne s’est jamais opposée directement aux intégrateurs, en plus de leur faire une place au sein même de son organisation. Alors pourquoi et comment s’opposerait-elle à ces nouveaux intégrateurs que sont Pangea et autres?

Travailler pour la ferme familiale

L’UPA et le milieu politique font face à un choix : soit travailler vraiment pour réformer l’agriculture afin qu’elle s’accorde aux valeurs de la population québécoise ou accepter Pangea et les autres en sachant qu’ils font partie du modèle qu’ils ont laissé se développer.

Au chapitre des solutions?  Il y a deux façons d’approcher le problème d’intégration, peu importe que ce soit pour les terres agricoles ou à la ferme.

A. En agissant sur les intégrateurs

Voilà la clé de voûte. Il faut sortir les intégrateurs de tout soutien provenant du budget de l’agriculture. L’État pourrait ainsi récupérer, selon certaines estimations, près de 200 millions de dollars qui pourraient retourner aux agriculteurs. Tant qu’ils seront traités comme des agriculteurs…ils feront de l’agriculture. Cette transition pourrait se faire sur quelques années.

B. en agissant sur la relève agricole
  • La relève agricole a besoin de moyen et d’espace. L’agriculture peut redevenir réellement et largement familiale si le gouvernement bougeait.
  • Permettre le morcellement des lots pour avoir accès à de plus petites superficies (moins de capitalisation)
  • Permettre en zone agricole de nouvelles activités reliées à l’agrotourisme et qui sont souvent bloqués, par exemple table champêtre.
  • Permettre un hors-quota du même niveau que l’Ouest Canadien (Ex:100 poulets au Qc, 2000 poulets en C-B)
  • Réorienter les subsides prioritairement vers la relève, ce qui devrait être possible une fois les intégrateurs exclus du soutien en agriculture
  • Réellement interdire l’application de tout plan conjoint (contrôlé par l’UPA) aux ventes faites directement à un consommateur par un agriculteur.
  • Plafonner la quantité de quotas que peut détenir un producteur agricole (ce qui limite le développement des intégrateurs) afin d’établir plus de jeunes avec les quantités dégagées.

Voici une partie des moyens que nous pouvons utiliser à la source et non afin de «patcher» des trous.

En terminant, le dossier d’accaparement des terres agricoles est surtout un constat d’échec du modèle agricole des 30 dernières années. C’est l’aboutissement d’un antimodèle de souveraineté alimentaire qui a fait perdre aux agriculteurs la pleine possession de leurs moyens afin de développer l’agriculture. Nous le répétons : le gouvernement a les solutions qui attendent d’être appliquées dans le rapport Pronovost.

 

Pièce-jointe : com-up_2015-03-19.pdf

Pour information :

Benoit Girouard
Président Union paysanne
450-495-1910

           

Maxime Laplante
Vice-président
418-926-2473

L’Union paysanne est un syndicat agricole et citoyen qui intercède auprès du gouvernement, des médias et de l’opinion publique pour promouvoir les intérêts de la paysannerie. Elle donne une place à tout ceux désireux de s’impliquer en faveur d’une agriculture et d’une alimentation paysanne. L’Union paysanne c’est… l’Alliance de la Terre et de la Table.

 

Union Paysanne

Force collective organisée et représentative regroupant ceux et celles en faveur d’une agriculture et d’une alimentation paysannes. Nous voulons pratiquer une agriculture à échelle humaine, viable à long terme, respectueuse de l'environnement, axée sur la souveraineté alimentaire et l’occupation du territoire.

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