Position de l’Union paysanne sur le projet de loi 103

Grossir ou mourir … une logique de croissance infinie qui frappe un mur!

Dans un projet agricole, ce n’est pas le revenu brut qui compte, mais bien le profit net, ce qu’il reste dans nos poches à la fin de l’année. Or, il a été démontré qu’un projet agricole peut être très rentable sur aussi peu qu’un hectare, soit une surface 10 000 mètres carrés. La logique de l’UPA a fait son temps et frappe maintenant un mur. Grossir, se spécialiser, se mécaniser et s’endetter à outrance, ce n’est pas un modèle économique porteur et surtout, ce n’est pas accessible à la relève. De même, les agriculteur.trices actuellement propriétaires de plusieurs centaines d’hectares de terres n’arrivent pas à les revendre. Qui pourrait se permettre d’avancer plusieurs millions pour acheter une terre? En refusant le morcellement des terres, ne nous condamnons-nous pas à la perte de terres en culture au profit de spéculateurs, de gestionnaires de portefeuilles et de promoteurs immobiliers?

Il importe d’ouvrir la porte à des projets agricoles à échelle humaine, qui visent les circuits courts et qui participent à nourrir les communautés. À quoi bon sauvegarder nos terres agricoles si c’est pour les mettre en monoculture OGM, les arroser de pesticides, participer à leur érosion et leur compaction avec des  équipements lourds? Et tout ça pour quoi? Dans la majorité des cas, pour, dans la majorité des cas, nourrir des porcs destinés à l’Asie! 

Les projets agricoles à échelle humaine sont souvent diversifiés et participent à la sauvegarde des ressources et non à leur destruction. Rappelons que l’agriculture industrielle est responsable de 10 % des émissions de GES au Québec. Pourtant, l’agriculture peut être (et doit devenir) synonyme de biodiversité, de captation de carbone, et rendre plusieurs services écosystémiques. Permettre le morcellement de grandes parcelles agricoles tel que proposé dans le projet de loi 103, qui propose maintenant de reconnaître la « diversité de modèles nécessitant des superficies variées » et évoque des mesures de compensation en voulant « favoriser dans une perspective de développement durable, la protection et le développement des activités et des entreprises agricoles », est selon nous un pas vers l’avant. Une opinion que ne semble pas partager l’UPA, qui a plutôt suggéré le retrait de ces propositions d’amendement dans son mémoire déposé à la commission parlementaire…

Redéfinir ce qu’est une pratique agricole…

L’Union paysanne croit qu’il importe de limiter les pratiques non agricoles en zone verte. Mais qu’est-ce qu’une pratique agricole? 

Aux yeux de l’UPA et de la CPTAQ, des projets de serres de plusieurs hectares, tels que les serres Toundra (concombres, 28 hectares) et les serres Demers (tomates, 10 hectares), qui impliquent de bétonner des terres fertiles, sont considérés comme des activités agricoles. Pourtant, ces serres pourraient très bien être installées dans des centres urbains ou des secteurs industriels (pouvant ainsi récupérer la chaleur d’autres industries) et auraient intérêt à se rapprocher des consommateur.trices. Parions que le remboursement des taxes foncières n’est pas étranger à une préférence pour la zone verte. 

Outre le morcellement des territoires agricoles, nous avons souvent vu la CPTAQ refuser la construction d’un étang, d’un insectarium et même d’une volière pour papillons sous prétexte qu’il ne s’agit pas d’activités agricoles et ce, même si le projet comportait un volet pédagogique. C’est bien connu, les insectes et les points d’eau pour abreuver les pollinisateurs n’ont rien à voir avec l’agriculture (sic!)… On part de loin! L’agriculture conventionnelle a tellement séparé les activités agricoles les unes des autres que les « décideurs » (lire: les commissaires de la CPTAQ, l’UPA, la régie des marchés agricoles et le Mapaq) ne voient plus l’écosystème que devrait être une ferme en santé. 

De plus, force est de constater que la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAQ), dans sa forme actuelle, ne parvient pas à sauvegarder les zones agricoles des développements immobiliers. Il importe donc de la réformer, et de bien le faire!