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Consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles 

Consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles 

Agir pour nourrir le Québec de demain

LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE AGRICOLE ET L’ACCÈS AUX TERRES

Mémoire présenté par l’Union paysanne au CNTAA du MAPAQ le 16 février 2024

Le constat

Le modèle de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles du Québec (LPTAAQ) actuel renforce les problématiques que nous affrontons : Le nombre de fermes au Québec diminue et la moyenne d’âge des agriculteurs augmente. 

L’Union paysanne observe les éléments suivants impactant grandement l’accès aux terres :

  • Le prix des terres agricoles, des intrants et de la machinerie surpassent la capacité de se rémunérer à juste niveau pour notre activité agricole;  
  • Pour prendre sa retraite, le propriétaire agriculteur se trouve souvent obligé de vendre sa terre au plus offrant dû au manque de support aux agriculteurs.trices pour dégager des profits leurs permettant de préparer leur retraite;
  • “À mesure que les exploitations se sont regroupées, que les possibilités de se procurer une terre agricole se sont raréfiées et que le prix des terres a augmenté, il est devenu pratiquement impossible pour les femmes, ainsi que pour les hommes ne venant pas d’une lignée agricole, de se lancer dans le métier. La LPTAAQ a eu des conséquences importantes sur la place des femmes en agriculture,elle continue d’en avoir sur le développement et le renouvellement de l’agriculture aujourd’hui. La propriété de la terre,comme celle du capital, demeure un outil particulièrement efficace pour maintenir les systèmes de pouvoir en place, notamment le patriarcat, puisque la grande majorité des entreprises agricoles passent encore de père en fils. Ainsi l’héritage continue de déterminer majoritairement qui peut accéder à la profession agricole, ainsi que le rôle que chaque individu peut y jouer. En ayant une telle incidence sur qui peut prétendre au titre de relève, il conditionne la structure même de la ruralité, ainsi que les formes qu’elle peut prendre” (Julie Francoeur, Sortir du rang, 2023).

Les prémisses et lignes directrices

L’Union paysanne se base sur les principes suivants pour analyser la LPTAAQ et invite le comité a en faire autant :

  • La terre agricole est un bien commun et non une marchandise;
  • Les fermes sont des piliers fondamentaux du développement rural et régional;
  • L’agriculture est un service essentiel au même titre que la santé et l’éducation;
  • On ne peut laisser le secteur agricole uniquement à l’entrepreneuriat privé, car les individus font ce qu’ils veulent en fonction de leurs intérêts courts terme et de leurs ressources limitées; 
  • Comme agriculteur.trice, on veut surtout être rémunéré pour notre travail tout en accomplissant une mission sociale et économique dans la société; 
  • Si on veut  favoriser la pérennité et la vitalité des activités agricoles en contexte périurbain et rural, on doit penser à un modèle alternatif qui a déjà fait ses preuves ailleurs dans le monde.  

Les lignes directrices seraient de modifier la loi pour qu’elles permettent une agriculture à échelle humaine, réduire la taille et augmenter le nombre de fermes. Il faut que la LPTAAQ adopte la vision de trois fonctions principale du territoire agricole :  

  • Fonction vivrière : l’approvisionnement de la population en quantité et en qualité d’aliments;
  • Fonction agroenvironnementale : la protection des ressources naturelles;
  • Fonction socio territoriale : l’occupation décentralisée du territoire.

PROPOSITIONS 

Sur la question du morcellement des terres 

  • Afin de faciliter l’accès aux terres pour la relève, les femmes et les membres des diversités culturelles (car les petites terres sont plus accessibles que les grandes.) et entamer une transition agro-écologique (les grandes terres correspondent généralement aux besoins du mode de production industriel) :
    • En vertu de l’article 80, alinéa 6.3 : Émettre un règlement permettant le morcellement d’une terre agricole, tout en tenant compte des risques de 
  • Plafonner le prix des terres agricoles, dans une perspective de décroissance, afin de permettre un accès juste aux terres;
  • Céder ou morceler des terres du marché spéculatif vers des Fiducies foncières d’utilité sociale agroécologique (FUSA) dont le mandat est d’assurer la vocation agro écologique de la terre à perpétuité, de redistribuer équitablement la part de bonification sociétale (plus-value ) à la communauté où se situe la terre.

Sur les critères de la commission (art. 62)

  •  Retirer les critères suivants : 
    • Article 62, alinéa 6 : homogénéité de la communauté et de l’exploitation agricole : La diversité des fermes, notamment en termes de production, de tailles, de mise en marché est fondamentale pour l’amélioration des communautés agricoles et villageoises. L’homogénéité doit être évitée!
  •  Modifier les critères suivants:
    • Article 62, alinéa 8 : retirer le terme “viable” : Dans l’idée qu’il existe une diversité de modèles agricoles, il n’est pas du ressort de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) de décider de la viabilité d’une ferme :
      • Les projets agricoles sont généralement analysés à plusieurs niveaux avant d’être soumis à la CPTAQ, ou la viabilité est déjà réfléchie;
      • De plus, aucune ferme n’est viable sans subventions publiques ou privées, il est donc mal venu d’exiger la viabilité sans critères clairs;
      • Il s’agit d’un risque entrepreneurial, que tous et toutes devraient être libres de prendre. 

Sur les Mesures de protections environnementales (MPE)  

  • La LPTAAQ ne devrait pas intégrer de MPE mais plutôt intégrer des MPE dans un corpus législatif. Il faut décloisonner les processus législatifs afin de ramener la cohérence entre différentes lois issues de différents ministères. La LPTAAQ, la loi sur la mise en marché des produits agricoles, la loi sur l’accréditation syndicale en agriculture, les lois découlant du ministère de l’environnement, les lois régissant le développement urbain en zone rurale ou le mode de financement des municipalités doivent devenir cohérentes et arrimés pour que l’utilisation des MPE dans un corpus législatif soit envisageable. Seuls les MPEs ne donneront qu’un résultat insuffisant.

Sur les transactions de terres agricoles 

  • Imposer une taxe (municipale ou provinciale) sur les transactions de terres agricoles dépassant un certain seuil (lié à la moyenne de valeur des terres) ou les transactions de terres détenues pour de courtes périodes de temps (flip agricoles ou spéculation. Ex : moins de 6 ans au Vermont, voir VERMONT’S LAND GAINS TAX).

Sur la question de l’habitation en zone agricole

  • Revoir l’article 31 afin de permettre un plus grand nombre de maisons sur un même domaine agricole, afin de répondre aux besoins de production de l’exploitant :
    • Pour héberger les travailleurs et travailleuses de façon abordable à proximité de la ferme;
    • Pour favoriser le développement de milieux de vie au sein des lots agricoles, sur un modèle de “quartiers agricoles”.

Modèles alternatifs de propriété

Il faut encourager les alternatives telles que les Fiducies d’utilité sociale agroécologique. Le gouvernement pourrait acheter des terres agricoles et les retirer du marché de la spéculation foncière et confier la gestion des terres à long terme à des organisations communautaires ou des fiducies dont la mission est la protection du territoire agricole et le développement communautaire. Ces organisations peuvent louer des terrains et bâtiments à des entreprises agricoles selon un bail à long terme précisant les droits et responsabilités des deux parties (ex : emphytéose). L’entreprise, idéalement une entreprise d’économie sociale favorise l’entrée et la sortie de membres travailleurEs, sans compromettre l’entreprise à chaque fois. 

En conclusion, l’Union paysanne soutient une révision de la LPTAAQ afin de faciliter l’accès à des terres agricoles pour la relève, notamment la relève non apparentée dont les femmes et les personnes immigrantes. Le morcellement de propriétés agricoles doit être permis exclusivement dans le cadre de lancements de nouvelles activités nourricières (place à une variété d’approches différentes) ou de restitutions des terres à l’état sauvage. Aucun dézonage de terres agricoles de qualité A ou B ne doit être permis. L’évolution du prix des terrains doit être encadrée afin de prévenir la spéculation.

Le Comité de coordination de l’Union paysanne